couvent collombeyExcursion en Valais le 2 septembre 2015

Cette sortie, la dernière de l’année 2015, avait été annoncée lors de l’Assemblée Générale du 21 mars : le programme avait été établi en lien avec les deux conférences données, l’une sur Saint-Maurice d’Agaune, par Emmanuel Coux, le 20 septembre 2014, et la seconde, par Alain Guerrier, le 29 avril, sur les Bernardines Réformées de Belley. Les personnes qui avaient pu assister à ces conférences étaient donc déjà bien informées.

Parti avec un peu de retard de Belley, l’autocariste a fort heureusement rattrapé les précieuses minutes perdues, permettant ainsi aux organisateurs de respecter l’horaire !

Bernardines Saint Maurice SuisseLe voyage par Genève et l’autoroute du Léman jusqu’à Aigle était commenté par Michel Brun, le « régional de l’étape », qui apporta un certain nombre de précisions permettant aux participants de rafraîchir leurs connaissances d’histoire et de géographie de la Suisse romande. Ce lieu de passage formé de cantons-états fut convoité et occupé à maintes reprises par les grandes puissances voisines de l’époque : le canton de Berne au nord qui s’étendait de l’évêché de Bâle au Léman, la Savoie au sud et la France. Leur rattachement définitif à la Confédération helvétique (Vaud 1803, Genève et Valais 1815), faisant suite à la promulgation de la République helvétique en 1798, mit fin à l’instabilité politique. De cette date jusqu’en 1813, Genève aura même été annexée à la France pour devenir préfecture du département du Léman, seule période où cette petite République perdit son indépendance. A toutes ces ambitions territoriales se juxtaposent les conflits religieux entre puissances protestantes et catholiques. L’histoire des Bernardines de Collombey s’inscrit donc dans ce contexte. La région du Bas-Valais pour sa part, avec le goulet de Saint-Maurice, clef d’entrée de la vallée du Rhône depuis le Léman - on ne parle pas ici de lac de Genève -, était en effet un endroit stratégique de première importance sur cette voie de communication rhodanienne d’une longueur de 290 kilomètres, de sa source au pied du glacier d’Aletsch à Genève, lieu de foire central dans l’Europe du XV° siècle.

Géographiquement, la Romandie représente un ensemble cohérent, à l’exception de Genève qui ne dispose pas d’Hinterland. Pictet de Rochemont, le représentant genevois aux négociations de Vienne, refusa en effet une offre d’élargissement des frontières genevoises aux sommets montagneux de son bassin naturel, à savoir le Salève, le Vuache et le Jura, de crainte d’intégrer des populations catholiques ! Il en résulta une situation d’enclavement pour le canton, avec une frontière commune le liant à la Confédération, de 5 kilomètres seulement.

Economiquement, l’ouest de la Suisse, par une politique d’ouverture sur le monde, a su se développer de manière équilibrée entre régions agricoles, viticoles (75% de la production suisse) etindustrielles. De grands groupes horlogers et alimentaires comme Nestlé (340 000 employés dans le monde), mais surtout de nombreuses PME en sont l’illustration. Le secteur des services avec l’hôtellerie, notamment en Valais, les banques et les institutions internationales à Genève (22 grandes agences et 250 organisations non gouvernementales) contribuent également à la richesse des régions francophones, en concurrence constante avec le dynamisme de la Suisse allemande.

cloitre couvent CollombeyArrivée à 11h au monastère de Collombey, où Yves et Christine Bru avaient rejoint la veille Alain Guerrier, lui-même arrivé le 31 août pour préparer cette visite dans les détails avec la prieure, mère Gilberte, l’archiviste sœur Béatrice et sœur Marie-Paule. La prieure attendait les voyageurs en haut des marches, qui séparent l’ancien château d’Arbignon de la rue principale de Collombey, pour un mot d’accueil dans la salle Saint-Bernard, qui autrefois était l’ancienne salle de l’école tenue un temps par les religieuses.

Après une légère collation, la visite débuta en deux groupes de 25 personnes, accompagnés l’un par la prieure elle-même, et l’autre par sœur Marie-Paule : de la salle Saint-Bernard, on a pu ainsi pénétrer directement dans la clôture des moniales et découvrir successivement, et dans un ordre inversé pour chaque groupe, la cour et le jardin, l’église enrichie de vitraux réalisés pour le 350ème anniversaire de l’arrivée des Bernardines (1647-1997), et sa crypte qui abrite la châsse de la mère Louise de Ballon : originaire de la terre de Ballon, non loin de Bellegarde, elle fut la fondatrice de cette congrégation à Rumilly en 1622 ; décédée à Seyssel en 1668, sa dépouille retrouvée a été ramenée à Belley lors de l’installation des Bernardines, et a rejoint Collombey après la fermeture de 1948 ; un arrêt dans la salle du chapitre, lieu de rassemblement régulier de la communauté autour de la prieure, dans laquelle Alain Guerrier avait descendu de la bibliothèque des ouvrages, et quelques objets illustrant la longue période d’occupation des Bernardines ; la visite se termina par l’ancien parloir devenu salle à manger des hôtes, et dans le couloir adjacent, où a été conservé l’ancien « tour » qui permettait les échanges entre les moniales et le monde extérieur, jusqu’à sa suppression après Vatican II.

Avant de nous séparer, la photo de groupe était prise dans la cour, après que François Dallemagne ait remis à mère Gilberte, au nom de la Société, le numéro 67 de la revue Le Bugey (1980), contenant l’article du père Charbonnet sur « Les dames Bernardines de Bons et de Belley », ainsi qu’une aquarelle réalisée pour cette occasion par Colette Sonzogni ; celle-ci commenta son œuvre, qui évoque la cour de l’ancien couvent de Belley, avec une statue de la Vierge pour le passé, et deux jeunes artistes arrivant avec leurs cartons pour l’avenir...
Il était à peine plus de midi lorsque les voyageurs redescendirent les marches pour rejoindre l’autocar, et gagner Saint-Maurice, distant d’une douzaine de kilomètres seulement. Arrêt devant l’entrée de l’abbaye, pour nous rendre à pied au restaurant Les Trois Tables, au cœur de ce petit bourg valaisan.

St Maurice AgauneVers 14h15, retour à l’abbaye où trois guides prenaient en charge l’ensemble du groupe : le père Thomas, chanoine de Saint-Maurice, Michel Galliker, professeur d’histoire du collège, et une guide officielle. La visite complète de l’abbaye a été présentée avec la sensibilité particulière de chaque guide. Retenons notamment l’étonnante variété des œuvres d’art contemporaines de l’abbatiale, réalisées par des artistes de grande qualité, spécialistes de sculpture, de vitrail, de mosaïques et de peinture ; les vitraux installés dans le bas-côté sud de l’abbatiale donnent une vision de toute l’histoire du site depuis le martyre de Maurice jusqu’aux travaux successifs du monastère depuis 15 siècles, leur lecture nécessitait bien le commentaire d’un guide. On a pu admirer aussi les portes en bronze décorées des noms de très nombreux martyrs, religieux ou laïcs, jusqu’à nos jours !

Après l’abbatiale, les groupes se dirigèrent vers l’ancien site du monastère qui se trouvait au pied de la falaise et qui fut abandonné en raisons d’éboulements. Des campagnes archéologiques, la première initiée par un chanoine, ont permis de dégager les vestiges qui sont protégés par une vaste couverture fixée solidement à la paroi : un nouveau parcours permet de prendre conscience de la succession des églises du IV° siècle à nos jours, et de découvrir les sarcophages ; enfin descente vers une ancienne crypte, raison première de l’ancien pèlerinage pour vénérer les restes de saint Maurice.

Troisième et dernière partie de la visite, le trésor, installé récemment dans un nouveau local remarquablement aménagé. Des vitrines conçues pour abriter et permettre aux visiteurs de tourner autour des pièces d’orfèvreries exceptionnelles, chefs recouverts d’or et d’argent, vases sacrés de toutes sortes, et chasses ornées de pierreries, objets réalisés par les ateliers d’orfèvrerie de l’abbaye depuis le haut Moyen Âge ; la dernière vitrine contient des vases sacrés modernes, illustrant ainsi la permanence de cette activité.

Départ légèrement décalé en raison de l’intensité du parcours de visite. Sur le chemin du retour après quelques échanges d’impression, Michel Brun donna en compléments un aperçu sur la littérature de Suisse romande, dont les écrivains et penseurs ont enrichi l’espace francophone d’œuvres marquantes et originales souvent méconnues. Par exemple Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947) proches du terroir, Jacques Chessex (1934-2009) passionné par Dieu et l’érotisme, Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) et son journal d’introspection intime de 17 000 pages. Georges Haldas (1917-2010) poète mystique a écrit également une prose intimiste remarquable, véritable dentelle lexicale. Enfin Nicolas Bouvier (1929-1998) dont ses livres nous incite au voyage d’une manière cérébrale.

Notre accompagnateur concluait, alors que notre car arrivait un peu tardivement à Belley, en invitant les participants à découvrir ces auteurs de la « Suisse française », comme certains Suisses allemands définissent cette région.

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